Contamination de la chaîne alimentaire

Contamination de la chaîne alimentaire

Les métaux et les polluants organiques lipophiles lentement biodégradables (pesticides, PCB, HPA…) évacués dans les eaux douces et les océans se concentrent progressivement tout au long de la chaîne trophique marine, et peuvent représenter un réel danger pour les consommateurs finaux.

 

L'un des exemples les plus démonstratifs et les mieux connus est celui du mercure : 

Le mercure est un métal liquide, gris argenté, qui n'existe pas à l'état de métal pu dans la nature. Son principal minerai est le sulfure HgS (appelé Cinabre). 

Le mercure appartient au Groupe IIB de la classification périodique : même colonne que Zn et Cd.

C’est un métal liquide, gris argenté. MA : 201, Pf : -39°.
Sous forme de mercure élément il est très peu soluble dans l’eau et insoluble dans les solvants organiques.
Le mercure n’existe pas à l’état de métal pur dans la nature. Son principal minerai est le sulfure, HgS (appelé cinabre). Il existe une « ceinture mercurifère » autour du globe terrestre : Espagne, Méditerranée, Grèce, Turquie, Pakistan, Chine, Japon, Alaska, Côte Ouest de l’Amérique. C’est pourquoi, en raison de l’érosion et surtout de l’activité volcanique, il se produit une contamination naturelle de l’environnement, avec rejet de 200 à 800 tonnes chaque année. Le mercure se retrouve également dans les combustibles fossiles, en particulier le pétrole et le charbon.

Les propriétés et la toxicité du mercure sont très différentes selon qu’il s’agit de dérivés minéraux ou organiques.

Les dérivés minéraux sont principalement les sels et les oxydes mercuriques, qui sont assez bien solubles dans l’eau et les solvants organiques.

Les dérivés organiques ont pour structure R-Hg-X, où X est un atome d’halogène ou bien un groupe OH, NO3, CH3COO… et R une chaîne aliphatique ou aromatique. Ce sont des dérivés peu solubles dans l’eau mais bien liposolubles. Les alkyks mercuriels sont très stables, les aryls beaucoup moins.

La prise de conscience du danger du mercure et des risques de contamination de l’alimentation ont conduit à l’interdiction ou la limitation de nombre de ses usages.

Le mercure a été utilisé

-        dans l’industrie chimique

·         catalyse de  la synthèse de l’acétaldéhyde et des matières plastiques

·         électrolyse : préparation de la soude, du chlore ou de l’eau de Javel

par électrolyse de NaCl grâce à une électrode au mercure

-        en dentisterie : amalgames dentaires

-        pour la fabrication d’instruments de mesure physique : thermomètres, baromètres…

-        comme fongicide

Comme le Cu, le Hg est un métal dont l’action fongicide est connue et mise à profit depuis fort longtemps. L’utilisation à cette fin du méthylmercure a été très large jusqu’à ce qu’on se rende compte des risques importants que cet usage faisait courir à l’homme et l’environnement. Il y a une dizaine d’année, le silicate de méthoxymethylmercure était encore autorisé pour les graines de céréales. Il n’est plus commercialisé aujourd’hui. L’acétate de phénylmercure a été employé dans l’industrie du bois et de la pâte à papier.

-        dans l’industrie électrique (tubes électroniques, piles boutons,

accumulateurs, tubes fluorescents…)

 

Ces utilisations sont maintenant arrêtées en Europe, mais l’usage du mercure est redevenu d’actualité avec la fabrication des ampoules fluocompactes. Les quantités présentes sont infimes, mais il est indispensable de récupérer les déchêts, pour éviter une nouvelle source de pollution de l’environnement.

Le mercure peut être également apporté au sol par des boues de station d’épuration polluées par des dechets remfermant le métal. Il est également encore employé dans les régions du globe où existent des mines d'or (Guyane...), car il sert à amalgamer les fines particules d'or récoltées.

Devenir dans l’environnement 

Le mercure déposé sur le sol est très faiblement résorbé par les racines et les feuilles des végétaux. Pour sa très grande partie, il est entraîné par ruissellement vers le milieu aquatique où se produit une biotoxification par méthylation bactérienne, suivie d'une bioaccumulation dans la chaîne alimentaire.

Entrainé par les eaux de ruissellement et les précipitations, le mercure rejeté dans l’atmosphère et sur le sol se retrouve dans les rivières, les lacs et les océans. Il s’accumule dans les sédiments, et quelle que soit sa forme chimique initiale, il est oxydé en ions Hg++ par des réactions chimiques et biochimiques. Hg++ est alors capté par des bactéries benthiques aérobies, qui le transforment en méthylmercure ou diméthylmercure. 

Le diméthyl mercure est un composé très volatil qui s’évapore dans l’atmosphère. Le méthylmercure lui, est fortement résorbé par les organismes aquatiques, et en raison de sa grande stabilité, il va s’accumuler et être concentré par les différents maillons de la chaîne trophique. Entre la concentration de l’eau et celle de la chair des poissons consommé par l’homme, le facteur de multiplication est de l’ordre de plusieurs milliers ou dizaines de milliers.

Eau        -   Phytoplancton       -   Zooplancton    -   Poissons microphages  -  Poissons carnassiers

0,1 ppb               10-100 ppb             100-500 ppb                 0,5-1 ppm                  4 ppm

Devenir chez l’Homme et les animaux 

- Ingérés avec l’alimentation, les dérivés minéraux, aryl ou alkoxymercuriels sont partiellement résorbés. La diffusion se fait dans tous les cas sous forme d’ions Hg++, qui dans le foie, induisent la synthèse de métallothionéines, qui sont mises en circulation et vont s’accumuler dans le rein. L’élimination est lente et se fait surtout par voie digestive (bile, salive, muqueuse digestive) et faiblement par l’urine.  Une faible fraction est également excrétée par voie pulmonaire, par le lait et par les phanères.

- Le méthyl mercure est très bien résorbé par la muqueuse digestive. Dans le sang il est fortement lié aux hématies (90%). Il diffuse lentement vers le foie (30-40%), le rein (40-50%) et le cerveau (10%), car il passe la barrière hématoméningée. Contrairement aux dérivés minéraux, il traverse bien le placenta et il se concentre dans le fœtus ou les concentrations atteignent des valeurs supérieures à celles observées chez la mère, avec des teneurs particulièrement élevées dans le foie et le cerveau.

Les biotransformations du méthylmercure sont très faibles, et l’élimination est très lente. La demi-vie varie chez les poissons entre 200 et 1000 jours, et chez l’homme elle serait de l’ordre de 35 à 190 j.

 

Potentialité toxique 

La toxicité alimentaire du mercure est essentiellement le fait du méthyl mercure.

Elle  s’est révélée de façon dramatique au Japon il y a une cinquantaine d’années, c’est ce que l’on appelle la maladie de Minnamata.

Minnamata est un petit village de l’ile japonaise de Kyu-Shu. Dans les années 1950, une usine y préparait de l’acétaldéhyde à partir d’acétylène et d’eau, selon une réaction catalysée par le chlorure mercurique. Les effluents industriels étaient rejetés sans précaution directement dans la mer.

Le mercure rejeté dans l’eau, a été méthylé par les microorganismes et de grandes quantités de methylmercure se sont donc accumulées dans les eaux de la baie de Minnamata. Le methylmercure a été absorbé et concentré progressivement par les différents maillons de la chaîne alimentaire marine. Les poissons consommés par l’homme et les animaux en renfermaient jusqu’à 120 ppm. La population de Minnamata étant fortement ichtyophage, toutes les conditions se trouvaient réunies pour provoquer une intoxication massive par le méthylmercure. Sont donc apparus dans la population des troubles 

-        sensoriels : contraction du champ visuel, baisse de l’audition, trouble du goût, du toucher

-        moteurs : difficultés de parole, de l’écriture, ataxie

-        psychiques : confusion mentale, dépression

Les fœtus étaient atteints : beaucoup d’enfants ont présenté après la naissance un retard mental et des désordres moteurs. Leur mère ne montrait généralement pas de troubles, elle avait été « protégée » par le fœtus…

Il a fallu plusieurs années pour que la responsabilité du mercure soit effectivement reconnue. Durant la période 1953-1971 on a recensé 121 cas d’intoxication clinique et 54 décès. 

Depuis la reconnaissance de la maladie de Minnamata et la mise en évidence de la biotoxification dans l’environnement on a pris conscience du risque toxique alimentaire lié à la pollution du milieu marin et limnique par le mercure et son dérivé méthylé.

 

Aujourd’hui, on redoute, lors de consommation de denrées contaminées par le méthylmercure,

-        un effet tératogène : danger surtout durant la période du 6ème au 8ème mois de grossesse. Il ne s’agit pas de malformations anatomiques, mais de troubles du développement cérébral, moteur et sensoriel

-        des effets toxiques neuropsychiques chez les jeunes enfants

-        une action mutagène  (car on a relevé des aberrations chromosomiques chez les ouvriers exposés professionnellement aux vapeurs de mercure)

-        une inhibition de la fécondité et de la spermatogenèse

-         une action dépressive sur la réponse immunitaire

 

L’action toxique du mercure est liée à son aptitude à former des complexes avec les composés soufrés. Cette action thioloprive est à l’origine de nombreuses perturbations enzymatiques, en particulier

-        des ATPases membranaires : inhibition des transports d’ions Na+, K+, Ca2+,

-        de la glutathion réductase et du glutathion : peroxydation des membranes des organites et des cellules,

-        de l’adenyl cyclase : arrêt de la production d’AMPc

Il en résulte des altérations du métabolisme cellulaire et de graves lésions membranaires.

 

Par ailleurs, le méthylmercure se fixe sur les acides nucléiques. Il entraîne une baisse de synthèse d’acides nucléiques et de protéines et il possède un pouvoir mutagène et antimitotique.

 

Danger pour le consommateur

Le mercure étant très peu retenu par les végétaux, leur contamination reste très faible, même lors de pollution du sol. Une seule exception : les champignons.

Il y a donc peu de risque de contamination des denrées provenant des animaux terrestres qui auraient consommé des fourrages riches en mercure.

Les vecteurs de risque sont essentiellement représentés par les denrées d’origine aquatique : mollusques, crustacés, poissons. Ces organismes accumulent en effet le mercure par voie digestive, mais aussi branchiale et cutanée. Le mercure se retrouve en particulier chez les poissons carnassiers, et les deux principales espèces incriminées sont le thon rouge et l'albacor

La Dose Hebdomadaire Tolérable (DHT) Provisoire de méthylmercure  est fixée par le JECFA (Joint Expert Comittee on Food Additives)  à 1.6 µg/Kg.

 

Gestion du risque alimentaire

La gestion du risque alimentaire repose sur la lutte contre la pollution de l'environnement par le mercure, et sur la fixation de normes dans les denrées alimentaires

·     Lutte contre la pollution de l’environnement

Les usages du mercure sont de plus en plus limités et le métal est interdit dans la plupart des pays occidentaux pour de nombreux usages.

La teneur dans les boues de station d’épuration est limitée et controlée.

Des dosages réguliers sont effectués dans les cours d’eau et l’océan.

 

·     Fixation de normes dans les denrées alimentaires

-        Alimentation animale

La teneur maximale dans les aliments pour animaux est de 0,1 mg/kg, sauf pour les aliments provenant de la transformation de poissons où elle est de 0,5 mg/kg.

 -        Alimentation de l’Homme

Pour protéger la santé publique, la décision 93/351/CEE de la Commission fixe des teneurs maximales en mercure pour les produits de la pêche : 0,5 mg/kg de poisson ou de chair humide de coquillage sauf pour 31 espèces où la LMR est fixée à 1 mg/kg).

Dans l'eau destinée à la consommation humaine, la CMA (limite de qualité) est de 1,0 µg/l

 

·     Education du consommateur

Dans un communiqué du 25 juillet 2006 l’Anses a émis plusieurs recommandations :

  - Avoir une consommation diversifiée de poissons ;

  - Limiter la consommation des poissons prédateurs : espadon, marlin, siki ; ne pas dépasser plus d’une portion par semaine de poissons prédateurs (150 g pour les femmes enceintes ou allaitantes et 30 g pour les enfants de moins de 30 mois), en plus des autres poissons consommés.

 

L’Anses rappelle néanmoins que cet avertissement ne remet pas en cause la recommandation de consommer du poisson deux fois par semaine. Car ce produit de la mer présente de nombreux avantages, et notamment sa richesse en oméga 3 essentiels pour le développement du système nerveux et du cerveau du bébé.